Le cimetière d’Arras - une visite pas comme les autres - Cimetières
Écouter l’épisode complet
RÉSUMÉ :
Dans cet épisode immersif, Beyond the Veil vous emmène en balade dans les allées du cimetière d’Arras. Micro en main, j’explore ce lieu que je connais depuis l’enfance, entre tombes oubliées, monuments imposants, carrés militaires et jardin du souvenir.
Au fil de cette promenade sonore, souvenirs personnels, détails architecturaux et anecdotes funéraires s’entrelacent. On découvre des sépultures marquantes, comme celle de Madame Grandguillaume, des fleurs en porcelaine, des tombes d’enfants, des soldats inconnus et des histoires qu’on ne lit jamais dans les guides.
Un épisode sensible et vivant, à la croisée de la mémoire intime et du patrimoine funéraire.
À écouter comme si vous y étiez.
Pour aller plus loin dans l'épisode :
TRANSCRIPTION:
Oh t'inquiète, mes chaussures elles font plop plop. Il est sympa le cimetière. J'ai les pieds tout mouillés. Est-ce qu'il a plu ? Oh regarde cette petite morcelle, elle est très jolie. Il est morquant celui-ci. Allez, je vous emmène avec moi dire bonjour à maman.
Hello mes petits soleils. Aujourd'hui je vous propose une promenade un peu différente. On va laisser la plage de côté, ranger les tongs, mais enfiler les baskets. Direction un lieu de silence, d'histoire et de nature, un peu oublié, le cimetière d'Arras. Prenez votre casque. Ouvrez les oreilles et laissez-vous guider, je vous emmène !
Alors cet épisode il est un peu particulier parce que je vais parler en marchant, forcément, donc je serai un peu peut-être essoufflée, mais en même temps vous aurez mes réactions à chaud.
Il faut savoir que ce cimetière il a vu le jour en 1833. A l'époque, on commence à sortir les morts des centres-villes. On ferme les petits cimetières paroissiaux pour des raisons d'hygiène, et on ouvre de grands cimetières extramuros. A Arras, on choisit un terrain au sud-est de la ville, et peu à peu il s'agrandit jusqu'à atteindre 13 hectares. Ce cimetière, il est... immense. Alors il n'est pas sur une colline comme le père Lachaise, il est vraiment à plat, mais il est très très grand. Ce lieu, c'est une page de l'histoire locale. Il accueille les morts du 19e siècle, les soldats du 20e et encore aujourd'hui les habitants d'Arras. Il y a même ma famille. Il est organisé en plusieurs sections, certaines anciennes et d'autres beaucoup plus modernes. C'est un lieu vivant au sens symbolique du terme. Un lieu où les époques cohabitent.
Là, j'ai pris l'allée principale. Dans ce cimetière, il y a des allées bien dessinées, bordées d'arbres taillés. Et à droite, il y a un mausolée en pierre sombre surmonté d'une croix et à l'intérieur, des vitraux encore colorés. Un peu plus loin, on a des tombes plus simples, parfois à moitié recouvertes de mousse. Certaines n'ont plus de nom du tout, certaines sont en train de tomber, laissées en désuétude. Et pourtant, elles sont là, présentes.
Et ce que j'aime, moi, ici, dans ce cimetière, c'est cette manière qu'a la nature de reprendre doucement sa place. Puis là, on arrive sur un croisement. Ce qui est rigolo, c'est que dans ce cimetière que je connais depuis que je suis... toute petite, il y a un rond-point. Et je vous le mettrai en photo parce que moi je l'appelle un rond-point. Il y a un gros rond-point avec la représentation du Christ. Et quand j'étais petite, j'adorais en faire le tour, courir autour du rond-point. Et puis quand j'étais petite aussi, il y avait des escaliers à ce rond-point. J'irai voir après puisqu'il est un peu plus loin que l'allée centrale. Et puis j'adorais monter. C'est bizarre, quand on est petite, on voit les choses totalement différemment.
Ce que j'aime aussi ici, c'est le gris, le gris des tombes. Je ne vais pas vous faire un cours historique sur le cimetière d'Arras, je pense que j'en ferai une plus tard. Ici, c'est vraiment faire une balade au cimetière et vous le présenter comme moi je le vois. Je prends cette allée centrale et je vais jusqu'au bout, parce que j'ai 40 ans, et en 40 ans, je ne suis jamais allée au bout du cimetière, j'avoue. En poursuivant l'allée centrale, on arrive à deux espaces très particuliers, les carrés militaires. D'abord le carré français. Ici reposent des soldats de la Première Guerre mondiale, des stèles simples. Des noms parfois effacés, parfois fleuris. Certaines tombes portent la mention « mort pour la France » , d'autres sont anonymes. Juste à côté, il y a un carré d'une Commonwealth, entretenue par la Commonwealth War Graves Commission. Des stèles blanches, parfaitement alignées. Le style britannique est reconnaissable entre mille. On lit des noms venus de loin, Canada, Australie, Angleterre. C'est sobre, digne et profondément émouvant. Comme n'importe quel cimetière, j'ai envie de vous dire.
Alors, il faut savoir qu'entre deux, je prends des petites photos que... je posterai en story et qui seront disponibles dans le bouton été 2025. Alors ce qui est rigolo, c'est que là je viens d'arriver au fond du cimetière et je me rends compte qu'en fait ils ont fait une extension à ce cimetière parce qu'il est tellement grand, il n'y a tellement plus de place, qu'on a fait une extension.
Je ne sais absolument pas si ce format va vous plaire de balade, à m'écouter parler au cimetière, d'entendre peut-être... Ce petit oiseau là qui chante. Donc n'hésitez pas à me dire en commentaire si vous aimez ce type de format. Mais moi je trouvais ça intéressant d'être moins formel, surtout pour parler d'un cimetière. Bonjour. On va passer par là.
Donc là en fait on est dans une section du cimetière que je connais un peu moins, c'est celle qui se trouve à droite de l'allée centrale. J'y vais beaucoup moins parce que moi, ma famille se trouve à gauche de l'allée centrale, mais j'y vais simplement pour le jardin du souvenir, puisque ma maman et mon grand père sont dispersés à cet endroit là. Et donc du coup, là, je pense que je vais découvrir des tombes très anciennes que je ne connais absolument pas. Ce qui est remarquable aussi ici, c'est qu'il y a des sépultures qui sont très vieilles. Je vais essayer de vous en trouver une très vieille.
Après moi dans les cimetières, ce qui me fait toujours mal au cœur, c'est de voir les sépultures des enfants. Que ce soit n'importe quelle date, le décès, j'ai toujours un petit pincement. Mais ce que j'adore au cimetière par-dessus tout, mais vraiment, c'est ces fleurs en porcelaine. Alors je sais qu'il y a un nom, je ne m'en souviens plus là, mais je vais vous prendre ça en photo. J'adore. C'est un peu rococo, mais je kiffe tellement, c'est tellement beau. Un peu couleur passée, etc. C'est tellement beau ces porcelaines. Ah ouais, non mais moi j'ai une passion porcelaine, c'est un truc de fou quand même.
Allez, empruntons cette petite allée verte. Là, je suis en train de marcher dans une petite allée remplie de verdure. De la porcelaine encore et encore. Si vous entendez un petit clic, c'est mon appareil photo. Haha, parce que je vous prends ces porcelaines tellement jolies.
Donc là, la prochaine étape, c'est d'abord d'aller voir ma maman. Je lui dirais, joyeux anniversaire de décès ! Parce que je fais cette balade en fait le 6 juillet. Je me suis dit, on va faire d'une pierre deux coups, on va dire bonjour à maman. Alors pour ceux qui n'ont pas écouté l'épisode précédent, je parle avec assez de recul puisque ma maman est décédée il y a 12 ans. J'ai les pieds tout mouillés, est-ce qu'il a plu ? Oh regarde cette petite porcelaine, elle est très jolie ! Oh waouh ! Il est marquant celui-ci, parce qu'en fait il y a des photos qui sont très vieilles, qui sont super passées. Et waouh ! 1973 ici, pour le moment toutes les tombes que j'ai croisées, les personnes sont décédées dans les années 70-80. Bon, celle-ci, elle est un peu vieille.
Je vais vous prendre une photo d'une tombe, là, en désuétude. Là, je vois, ça s'appelle Avis. Les personnes s'intéressant à un titre sur cette tombe sont priées de s'adresser au bureau du cimetière. Des tombes qui sont très, très vieilles. Laissées à l'abandon aussi. Je discutais de ça il n'y a pas très longtemps, en me disant que, ben voilà... Les tombes, les sépultures, c'est fait pour les vivants. Et quand le vivant a fait son deuil, il abandonne la sépulture et on n'y va plus. Et je trouvais ça très dommage, en fait. C'est bien d'avoir un lieu pour se recueillir, etc. Mais après, c'est normal. Après, la famille s'éteint, etc. Très jolie, celle-ci. Une personne décédée en 1926. Et la peinture a été refaite il n'y a pas très longtemps, je pense. Je vous dis, là je me perds littéralement dans ce cimetière. Il y a des grandes sépultures de famille aussi, qui ne sont pas si vieilles en fait, mais on a l'impression qu'elles sont très vieilles, mais en fait non, elles sont juste sales. Non, la sépulture elle a été refaite je pense, elle a été ouverte et refaite, parce que là on a quoi ? On a 1989, 1966, ici. 1945. Je vous la prends en photo celle-ci aussi parce qu'elle est majestueuse. Comme un peu partout, j'ai envie de vous dire. Mon regard n'est pas assez éloigné pour parler de ce cimetière comme d'un cimetière classique, dans la mesure où ce cimetière, c'est le cimetière de mon enfance, mon cimetière de cœur.
Donc là, je me trouve devant un monument à la gloire des enfants d'Arras, tombé en tout temps pour la cause nationale. Ce monument est majestueux. Je vous le prends en photo et je vous le mettrai dans les stories. Et normalement, les enfants... Eh oui ! Le frère de mon grand-père, donc c'est mon grand-oncle, qui est sur ce monument. Premier régiment, chasseur, para, Indochine 1954. Le nom est quasi effacé, mais je savais qu'il était là. Donc là je me trouve devant un carré militaire, les tombes sont toutes alignées, elles étaient bleues, je suppose à l'époque. Et donc là je suis dans le carré français je pense, j'en suis même certaine. Ce qui est intéressant ici c'est le calme. Alors si vous entendez du bruit en fond, c'est le Main Square Festival, mais au-delà de ça, c'est hyper calme.
Je me trouve ici devant la tombe d'un soldat inconnu. C'est tellement beau ! Je me dis que je ne viens pas assez souvent. Oh ! Je viens d'être étonnée. J'étais en train de me balader et je me disais, mais je ne vais pas trouver de femme ici. Bah si ! Soldat Roussel Sophie, 136e Régiment d'Infanterie, mort pour la France. Et un peu plus loin, Coudray Jeanne, 136e Régiment d'Infanterie, mort pour la France. Morte pour la France. C'est fou parce que je viens de m'étonner en me disant « Waouh, en fait non, il va y avoir que des hommes ici. » Putain, le patriarcat là, il a la vie dure chez moi quand même. J'en viens quand même à m'étonner de trouver une soldate. Ça va plus moi, ça va plus. Je vais peut-être vous lire quelques noms que je croise. Buza Auguste, Justin François, Maquet Pierre, Gouillard Désiré, Courrèges Henri, Guignard Auguste, Boudet. Charles, Berger, François, Rodien, Arthur, Mince, Alain, le sergent Louis, Lemoynier, Potier, Léon, tous morts pour la France. Et là, avant de sortir de ce carré, je suis face à un soldat, à la statue d'un soldat, sous laquelle est indiqué « Dormez en paix, chers camarades, le souvenir français veille sur vous » . Et les croix sont en cours de rénovation ! Donc en fait, oui, elles sont en train d'être repeintes en bleu, puisque le bleu que je voyais du coup de l'autre côté du carré est en train de passer.
Allez, je vous emmène avec moi dire bonjour à maman ! Donc là, je me dirige, donc sortie de ce carré militaire, je me dirige vers le jardin du souvenir, où on a également les appartements de nos défunts, c'est-à-dire les cases pour pouvoir rentrer les urnes à l'intérieur, et en même temps pour disperser les cendres. Mon grand-père avait fait le choix d'avoir des cendres dispersées. Ma mère également, enfin ma mère n'a pas eu le temps de le faire, mais moi je l'ai fait pour elle. Et ma grand-mère voulait qu'on disperse les cendres de mon grand-père au pied d'un arbre bien distinct pour que lorsque elle viendrait à décéder, on puisse la disperser par au-dessus. Il y a des choses que j'aime moins dans ce cimetière, c'est vraiment l'allée qui part du jardin du souvenir. J'aime pas, j'aime pas du tout cette allée.
Quelque part ici, tu vois, se trouve la tombe de mon ex-belle-mère. d'une de mes ex-belles-mères. Mais je n'arrive pas à la trouver. C'est ça qui est drôle, parce qu'un jour, j'ai vraiment voulu y aller pour lui rendre hommage. Et j'étais au bon endroit et je ne l'ai pas trouvée. Du coup, je me suis dit, elle ne veut pas que je la trouve, elle ne veut pas me voir. Du coup, je ne la cherche plus.
Et voilà ! On est arrivés. Alors, je vais vous prendre en photo le site de dispersion. et je vous prendrai en photo les appartements des défunts. Ce lieu très particulier, le jardin du souvenir, est souvent un lieu méconnu. Pas de pierres, pas de monuments individuels, juste... Alors, en général, c'est une pelouse. Ici, à Arras, ce sont des copeaux de bois. Il y a un banc, et juste à côté, il y a ce que moi j'appelle les appartements des défunts, c'est-à-dire les cases dans lesquelles on va placer les urnes. Et je trouve que ce lieu, en fait, il est beau, parce qu'il pose aussi une question, comment est-ce qu'on va se souvenir d'un mort quand il n'a pas de tombe ? Je trouve qu'il y a quelque chose de très poétique, parce que déjà, un, il y a un retour à la nature, et en même temps, je me dis que les gens qui ont fait le choix d'être crématisés, ou de crématiser lors des fins, se disent qu'on ne va pas les oublier, on ne va pas les effacer, parce que ces personnes-là n'ont pas besoin de quelque chose de physique pour qu'on s'en souvienne d'elles. Et je trouve qu'en fait, c'est le recueillement dans sa forme la plus épurée, et perso, je trouve ça beau. Donc là, on va quitter ce carré funéraire, et on va aller de l'autre côté du cimetière. On va... passer le rond-point dont je vous parlais tout à l'heure et on va aller voir mes arrières-grands-parents. Mais j'espère sincèrement que cette petite balade, aussi étrange soit-elle là pour moi, parce que l'expérience est quand même un peu étrange, j'espère du coup que ça ne vous saoule pas trop, j'espère que ça va vous donner envie, soit d'aller au cimetière d'Arras, de se dire « Waouh, elle n'a pas tout dit, je veux voir plus ! » Ou alors, d'aller dans un cimetière proche de chez vous et d'aller admirer les tombes grises en désuétude ou ces jolies porcelaines. Et puis cette faune et cette flore aussi.
Alors là, je viens de m'arrêter devant une tombe. Je pense que je ne vais pas mettre le nom de famille, mais je vais vous mettre la photo. Je trouve ça trop mignon. Alors, je vais vous décrire en fait. C'est une sépulture qui est assez grande. Une sépulture pour deux personnes, donc pour un couple. Il y a une plaque d'abord à ma chère épouse et ensuite un monsieur qui est décédé, lui, en 2007. Et je pense que ces personnes étaient commerçantes puisqu'il y a une plaque. commémorative sur laquelle est indiqué les commerçants du quartier. Je vais vous prendre la photo parce que je trouve ça très mignon parce qu'en fait il y a la photo de mariage de ces personnes et je trouve ça très très beau.
Alors ici on arrive devant la sépulture de la famille Lampin. Et donc, Monsieur Lampin, ici, est décédé en 1976, mais son fils, Maurice, qui a une plus petite sépulture, lui, est décédé en 1923. Et il avait 3 ans. Moi, ce qui me tue aussi dans les cimetières, alors je sais pas si ça vous fait ça aussi, c'est d'arriver en fait et de voir une super sépulture, super grande, etc. Et puis, en fait, y a pas de date de décès. Les gens, ils sont encore en vie. Alors certes, les gens prévoient. On va pas se mentir, en fait. Mais moi, ça me tue quand même. C'est mon avis perso. Alors c'est très bien de prévoir, parce que je vous dis de prévoir. Et là, jusqu'à avoir le caveau, qui n'est pas un caveau familial, qui est juste un caveau comme ça. Et quand j'étais petite, au moins pendant 10 ans, ce caveau est resté comme ça. Je me souviens, je n'arrêtais pas de passer devant et les gens n'étaient pas encore morts. Du coup, à chaque fois, c'était un running gag avec ma famille de dire « Ah, il n'est pas encore mort ! »
Tout à l'heure, j'étais à la recherche d'une sépulture ancienne, et bien là, elle est là, face à moi. Il s'agit de la sépulture de la famille Normand-Tierney, très imposante, avec des mosaïques. Et ici, on a des gens qui sont décédés en 1918, 1911 et 1934. Et je vous la prends en photo parce qu'elle est tellement imposante et tellement belle. Je ne sais même pas si ma photo va lui rendre hommage. Ouf ! Wow ! Ah oui, c'est la famille Arthur Delestoile. Donc ici, je suis devant une sépulture très imposante, d'une très grande famille. La famille Arthur Delestoile et la famille... Edouard Delestoile qui ont une seule et même sépulture. Et sur cette sépulture est écrit en latin Credo et expecto resurrectionem mortuorum et vitam venturi saeculi amen. Ce qui veut dire je crois qu'il recherche la résurrection des morts et la vie du monde. Amen. Merci Google. A la mémoire de Edouard Delestoile caporal au 69e régiment d'infanterie Glorieusement tombé le 24 octobre 1915 à l'âge de 20 ans, à la butte de Ménil en Champagne, où son corps repose, prié pour lui. Georges Delestoile aussi, qui est dans cette sépulture, qui lui, ancien vice-président du comité de la Croix-Rouge d'Arras, cité à l'ordre du jour de la ville. Ah non, c'est moi qui me trompe. Marie-Madeleine Remusa, son épouse, ancienne vice-présidente du comité de la Croix-Rouge d'Arras citée à l'ordre du jour de la ville, épouse de Georges de l'Etoile, fabricant de bonnetterie, président départemental de la Croix-Rouge, membre de la Chambre de Commerce administrateur de la Sécurité sociale, conseiller de la Banque de France. Ah, et à côté on a la famille... Non, je pensais que c'était la famille Caudron. Eh mais si, c'est la famille Caudron, dites donc ! Ben on a du beau monde ici ! Alors il faut savoir que Caudron, quand j'étais petite, on disait « Ouais, on va chez Caudron » . Caudron a fait, j'ai envie de dire, le bleu d'Arras. Le bleu d'Arras, c'est un bleu particulier. On peignait sur la porcelaine, ce qu'on appelle aussi la porcelaine d'Arras, avec le bleu d'Arras. Et donc Caudron était une très grande maison, la maison Caudron, qui aujourd'hui s'est éteinte, mais qui a été reprise. Et donc il y a toujours quelqu'un, c'est un des employés qui a repris la maison Caudron et qui continue la tradition de décorer la porcelaine au bleu d'Arras. Ici, on a M. Henri Clément Caudron, 1902-1977, rénovateur de la porcelaine d'Arras, membre résident de l'Académie d'Arras et époux de Mme Marie Lefebvre, 1911-1985.
Vous savez, là, je suis en train de marcher et je me dis, mais est-ce qu'il y a un carré musulman au cimetière d'Arras ? Mais oui, oui, il y a un carré musulman au cimetière d'Arras.
Oh mon Dieu ! Je suis désolée, mais j'aime les cimetières, j'adore. Je me moque jamais parce que j'aime beaucoup l'art dans les cimetières, les couleurs dans les cimetières. Ah là, je pense que j'ai le summum du Rococo. Je vous le prends en photo. Mais en fait, c'est Rococo juste dans les couleurs. Sinon, on est dans un cimetière, on ne juge pas la foi des gens, ni leur attachement. Mais quand même, cette Vierge Marie, elle est bleue. En fait, là, je me trouve sur une tombe, face à une sépulture. Bonjour, messieurs, dames. Où en fait, on a un Jésus. C'est même pas un Jésus, c'est... C'est pas Jésus, c'est... Non, bref, c'est une sorte de Jésus, mais avec le cœur. Si vous le savez, si vous pouviez me le dire en commentaire, ce serait sympa. Et on a la Vierge Marie à côté. Mais Jésus, il est bordeaux, mais bordeaux. Et Marie, elle est bleue fluo quand même. En fait, j'étais très loin et je les ai vues. Une petite porcelaine encore toute mignonne. Donc là, en fait, toutes les personnes qui voulaient potentiellement se balader au cimetière avec moi, elles se disent, mais mon Dieu, elle est folle celle-ci. Un peu. Je vous donnerai pas tort.
Donc là, je pense qu'on est dans la partie un peu plus... Je pense que la partie droite, après l'allée centrale, c'était la partie la plus ancienne. Et là, on commence à arriver dans la partie la plus... Un peu plus moderne, je pense, parce qu'en fait, on a moins de tombes très hautes. On a des tombes qui sont un peu plus basses. Et je pense qu'architecturellement parlant, on est là... dans les années 80 à peu près. Donc là, on passe devant mon rond-point. Là. Ah, ben voilà. On va arriver à la sépulture. Ben, il n'y a pas de route. Mais dis-donc, comment je peux aller dire bonjour ? Je ne trouve pas la route pour aller voir mon arrière-grand-père. Alors, allez, on y va. C'est bon, il y a une route. Hop.
Alors ici je me trouve face à la tombe de mes arrière-grands-parents, côté grand-père maternel. Sarah et Catherine Barba. Catherine était belge, petite dame un peu boulotte avec beaucoup de caractère, de ce que j'en sais, puisque je ne les ai absolument pas connues. Et Sarah, mon arrière-grand-père. Je vais vous raconter un peu l'histoire de mon arrière-grand-père. Sarah était tirailleur sénégalais, c'est-à-dire que mon arrière-grand-père... vient d'une colonie française, le Sénégal, ou tout du moins c'est le pays que l'on pense duquel il vient, dans la mesure où il est parti comme tous les soldats de l'île de Gorée. Sur son acte de naissance ou de décès, enfin de décès surtout c'est noté, né à Gourou, donc nous on pense que c'est Gorée. Mon arrière-grand-père, du peu que j'en sache, a fait la première guerre mondiale, était tirailleur sénégalais, il a fait Verdun. Il a été blessé à Verdun. Il avait pris des shrapnels dans les jambes et je ne sais pas comment, puisque je n'ai pas accès pour le moment à son livret militaire, puisqu'il est dans une autre partie de la famille. Mais ça, ça fait partie de mon travail de recherche personnelle que je fais. Il s'est retrouvé quelque part où il a rencontré mon arrière-grand-mère. Et ils se sont mariés, ils ont eu beaucoup d'enfants. Je pense que mon arrière-grand-père a toujours été marqué par la guerre, puisque mon grand-père... Enfin, après la guerre, mon arrière-grand-père était terrassier. Mon grand-père me racontait que pendant la seconde guerre mondiale, mon grand-père étant né en 1935, il prenait ses enfants sous les bras et ils allaient se cacher dans les champs. Je pense qu'il pensait que c'était là où il pouvait être le plus en sécurité. Et sur cette tombe blanche, vous la verrez en photo, il y a un vase blanc. Quand il pleut, il y a de l'eau et moi quand j'étais petite, je me souviens que je voulais enlever l'eau et ma grand-mère me disait « Non, laisse l'eau, c'est pour les petits oiseaux. » Parce qu'en fait, mon mariage grand-père voulait qu'il y ait toujours un vase vide pour donner à boire aux oiseaux. Je ne sais pas du tout si c'est sa croyance personnelle ou si c'est sa religion, mais c'est ce que voulait mon arrière-grand-père.
Et maintenant, je vous emmène voir mon deuxième arrière-grand-père. C'est parti ! Je vous reprends le rond-point quand même, parce qu'il est beau.
Il faut savoir qu'ici, au printemps des cimetières, l'Office du tourisme d'Arras propose des visites guidées. Je n'en ai jamais fait encore, mais je pense qu'au prochain printemps, je vais la faire.
Là, on arrive devant... Une véritable œuvre d'art, je vous jure, c'est un autre rapport à la mort, sincèrement. Cette tombe, c'est ma tombe préférée de tout le cimetière. Je vous la prends en photo et je vous la décris. Donc face à moi, en fait, j'ai une grande sépulture en ciment, je pense. Le nom est à peine visible, il y a deux mains qui se serrent face à moi. Il y a le nom de l'architecte, je pense, Bras, B-R-A-S, Bras, Guillaume. Le grand Guillaume, officier de la Légion d'honneur. Oh Dieu ! Faudrait que je regarde en fait dans la section. Il y a une grande sépulture et deux tombes et des fleurs. Je souris en même temps que je dis ça parce que je trouve ça très beau. Et des fleurs en plastique dont la couleur a passé. Et mon, j'ai envie de dire, l'élément préféré, c'est une vieille femme accoudée au dossier d'une chaise. Et quand j'étais petite, lorsque je passais à côté de cette tombe, pour moi, je disais toujours que c'était ma grand-mère, parce que je trouvais qu'elle lui ressemblait. Mais c'est vraiment ma sépulture préférée de tout ce cimetière. Peut-être parce que j'ai un attachement particulier, peut-être parce que quand j'étais petite, je disais que c'était ma grand-mère. Mais pour moi, elle est magnifique. Je vous la prends en photo, cette dame, parce qu'elle est magnifique. Hop, c'est fait.
Et maintenant, je m'en vais retrouver la sépulture de mes arrières-grands-parents. Côté grand-mère, maternelle, il ne faut pas que je me trompe d'aller. La honte quand même, quand tu te trompes d'aller et que tu ne retrouves pas tes morts. C'est un peu con.
Ah ! Voilà, il est mort, enfin ! Désolée. Mais la sépulture dont je vous parlais tout à l'heure, qui n'avait pas encore été... qui n'était pas rempli. Voilà, les personnes sont décédées. Je pense que ce sont des gens très discrets parce qu'il n'y a pas de date. Il y a juste deux plaques à notre grand-mère, à notre arrière-grand-mère et à notre papy.
Waouh ! En fait, là, je viens de voir quelque chose de magnifique. Enfin, je trouve ça très beau. En fait, il n'y a pas de croix, il y a simplement une croix en bois, des fleurs en plastique qui sont passées. La verdure ici est magnifique. On n'est pas sûrs. Rien de comparable au père Lachaise. Mais ce que je veux dire, c'est que c'est vert.
Et bien voilà. Là, on a une tombe un peu plus ancienne, un caveau familial un peu plus ancien, puisque là, la première personne décédée est décédée en 1880. Ensuite, 1884, 1874, 1886, 1883. Et la dernière personne dans ce caveau date de 1956. Il faut savoir que le cimetière d'Arras, lui, il est situé derrière la gare d'Arras. Donc en gros, lorsque vous arrivez à Arras, au moment où on vous dit « attention, on arrive en gare d'Arras, etc. etc. » , d'où vous venez, regardez sur votre gauche, si vous venez dans le sens Lille, Douai, Béthune par exemple, regardez sur votre gauche parce qu'en fait, vous apercevez le cimetière. Et vous pouvez prendre toute la mesure de la grandeur de ce cimetière.
Et oui, je suis toujours à la recherche de mes arrières-grands-parents. Mais avant, je veux voir des petites choses. Après moi, la seule chose que je regrette dans ce cimetière, alors je ne vais pas m'en plaindre, c'est les poubelles. Il y a des gros conteneurs de poubelles dans chaque allée. Alors c'est très bien parce qu'il n'y a aucun déchet sur le sol, etc. Mais ça gâche un petit peu les choses, je trouve. Après, c'est moi. Là, il y a un train qui vient de passer. C'est rigolo en fait. Après, il faut bien choisir son emplacement parce que si tu es à côté de la ligne de chemin de fer, ton repos ne te repose pas des masses. Alors j'ai enfin retrouvé le chemin pour aller vers la sépulture de mes arrière-grands-parents. Pourquoi ? Eh bien grâce au rococo et au kichouille. Parce que ça, même si depuis les gens ont... Enfin voilà, les familles ont racheté des sépultures, c'est toujours les mêmes éléments. Et moi, je me reconnais simplement. Je sais qu'il faut tourner à gauche quand je vois ça. Le temps passe, le souvenir reste. Et c'est quelque chose en verre trempé. Il y a des fleurs à l'intérieur. C'est mon repère pour tourner et aller à la sépulture de mes arrières-grands-parents. Ça me fait sourire parce que je me dis, pour aller voir tes arrières-grands-parents, c'est au cadre Rococo à droite.
Puis après, moi quand je vais au cimetière, ce que j'aime aussi c'est regarder les photos des gens. Là par exemple, cette photo-là, en fait, ce monsieur, depuis que je suis petite, il me fait penser à Robin des Bois. Il a les cheveux carrés, la frange, un col, on a l'impression qu'il a un petit pull, et ça me fait penser à Robin des Bois, un Robin des Bois moderne. Et je me dis aussi qu'en grandissant, mon impression n'a pas changé. Je suis quand même contente d'avoir gardé cet enfant à l'intérieur.
Donc là, je me trouve face à la sépulture de mes arrières-grands-parents, dans laquelle il y a également mon grand-oncle. Cette sépulture, elle est rigolote quelque part parce qu'elle est très claire. Le blanc est très, très clair. Mon grand-oncle revenait pour peindre un petit peu les lettres qui s'effaçaient. Je me souviens que... J'avais été avec ma grand-mère pour choisir la sépulture de mon arrière-grand-père. Et je me souviendrai toute ma vie. Le monsieur avait dit à ma grand-mère, le marbre avec ou sans crapaud ? Je ne comprenais pas ce que c'était. Et en fait, les crapauds, ce monsieur m'avait expliqué qu'en fait, c'était des taches noires. Parce que si vous regardez le marbre sur des sépultures, il y a plein de taches noires. Et là, celle de mes arrière-grands-parents, il n'y a pas de grosses taches. Après, ce qui est rigolo, je dis toujours ça, mais en fait, ce n'est pas drôle. Mais si, je trouve ça étrange en fait, ce qui me fait sourire. C'est que... au fil des années, les sépultures se sont refaites. C'est-à-dire qu'il y a des gens qui n'avaient pas de sépulture quand moi j'y allais et qui en ont maintenant. Des gens qui n'en ont toujours pas.
Puis là, il y a cette dame qui est voisine de mes arrière-grands-parents qui, elle, a perdu ses deux enfants. Et du coup, à son décès, il y a 22 ans, a rejoint ses enfants. et je trouve ça très joliJe ne le prendrais pas en photo simplement par respect. J'ai pris assez de photos comme ça. Puis c'est des choses anciennes, mais pas sur des tombes modernes. Je préfère garder la privacy, comme on dit en anglais.
Et en me baladant dans toutes les sections du cimetière, j'ai croisé des sépultures qui ont attiré mon oeil. Des noms oubliés du grand public aussi, mais dont les monuments disent « cette personne comptait » . Pour moi, comme je le disais tout à l'heure, ce sont des œuvres d'art à ciel ouvert. Il est temps maintenant pour moi de revenir lentement vers la sortie, de jeter un dernier regard à ce cimetière de mon enfance. C'est bête à dire, le cimetière de mon enfance. Et puis, je me dis que c'est ça le rôle d'un cimetière. C'est pas seulement de garder les morts, mais de rappeler que les vivants ont aimé, pleuré, raconté et raconte encore. Merci d'avoir marché avec moi. Et si vous passez par Arras un jour, prenez le temps de venir ici, de marcher sans but, et de vous laisser surprendre. Je vous dis à la semaine prochaine. puisque la semaine prochaine, je vous fais visiter le cimetière de Béthune. N'hésitez pas à me dire en commentaire ce que vous avez pensé de ce format.
Merci d'avoir écouté cet épisode.
Maman, Thomas, Thomas, maman. C'est moche. C'est moche. Ça, je vais couper. Il y a des cendres fraîches. Pardon. Je suis une fille horrible, en fait. Bref, je vous... On pourrait croire que je suis irrespectueuse mais en fait je le suis absolument pas. Il y a des cendres.