EP8 - Taylor Swift, Shakespeare et Ophélie : quand la mort devient pop culture

Comment parler de la mort aux enfants
 

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RÉSUMÉ DE L’ÉPISODE:


Taylor Swift, Shakespeare et Ophélie : quand la tragédie devient pop culture

Et si la pochette d’un album pouvait dialoguer avec un tableau du XIXᵉ siècle ? Et si une héroïne tragique de Shakespeare continuait d’inspirer les artistes, de Millais à Taylor Swift ?

Dans cet épisode de Beyond the Veil, Virginie explore avec passion et poésie le destin d’Ophélie, figure tragique devenue icône culturelle.

  • Pourquoi le tableau préraphaélite de Millais fascine-t-il encore ?

  • Comment Taylor Swift convoque Ophélie dans The Life of a Showgirl — jusqu’à en faire le titre de sa première chanson

  • Et qu’ont en commun Shakespeare et la pop star quand il s’agit de transformer douleur et vulnérabilité en spectacle poétique ?

Entre littérature, peinture et musique contemporaine, Virginie t’invite à un voyage de la scène élisabéthaine aux lumières de la pop culture.

Un épisode pour celles et ceux qui veulent comprendre pourquoi certaines images ne cessent de nous hanter — et pourquoi Ophélie, reste immortelle.

Pour aller plus dans l'épisode voici quelques liens utiles :

 

RETRANSCRIPTION:

Vous écoutez Beyond the Veil, le podcast qui va vous réconcilier avec la mort. Ce podcast vous est présenté par Virginie, moi, conseillère funéraire de formation et passionnée par ce sujet si tabou encore en 2025. Ce podcast traite d'un sujet sensible et n'est ni une apologie, ni une façon de le banaliser. 

Connaissez-vous le point commun entre Shakespeare et Taylor Swift ? Oui, oui, je vous jure, il y en a un ! Il s'agit d'un tableau de John Everett Millais peint au XIXe siècle et qui représente l'une des morts les plus célèbres de la littérature, Ophélie, noyée dans les eaux de son désespoir. Hello mes petits soleils ! Aujourd'hui, c'est un épisode de rentrée un peu spécial, parce que je suis une grande fan de Tay Tay pour les intimes, Taylor Swift, et si toi aussi tu es fan, Micheline, t'as pas pu passer à côté. La dame a dévoilé cet été la couverture de son prochain album, The Life of a show girl, qui sortira le 13 octobre prochain. Résultat ? ça a carrément affolé la fanbase et cassé internet. Et quand on y regarde de plus près, impossible de ne pas penser à Ophélie, cette femme flottant dans l'eau avec ses bijoux, le regard suspendu entre vie et mort. Et puis, j'ai fait ma petite curieuse, et je peux vous dire de source sûre, Spotify mon ami, que le premier titre de l'album s'intitule The Fate of Ophélia. La référence, elle est explicite. Taylor ne fait pas qu'évoquer une esthétique, elle convoque directement le spectre de Shakespeare. Et est-ce que vient de dire Taylor comme si c'était ma meilleure amie ? Absolument. Mais avant de plonger ensemble, littéralement, dans une histoire d'images, de morts et de pop culture pour comprendre comment la mort d'Ophélie continue de nous hanter et de nourrir l'art, pensez à liker et à laisser un petit mot en commentaire sur votre plateforme d'écoute. C'est la meilleure façon de soutenir Beyond the Veil et de me donner de la visibilité.

En 1852, Millais, peintre pré-raphaelite, présente Ophélie, le tableau bouleverse. On y voit une jeune femme dans l'eau. Paré de fleurs, figé dans une beauté glacée. Ce tableau, il s'inspire de Hamlet de Shakespeare. Ophélie meurt, noyée, mais hors scène. C'est la reine Gertrude qui annonce la nouvelle dans l'acte IV, scène VII.    

"Un malheur marche sur les talons d'un autre. Tant ils se suivent de près, votre sœur est noyée la herte. Il y a en travers d'un ruisseau un sol qui mire ses feuilles grises dans la glace du courant. C'est là qu'elle est venue, portant de fantasques guirlandes, de renoncules, d'orties, de marguerites et de ses longues fleurs pourpres. que les bergers licencieux nomment d'un nom plus grossier, mais que nos prudes vierges appellent « doigt d'homme mort » . Là, tandis qu'elle grimpait pour suspendre sa sauvage couronne aux rameaux inclinés, une branche envieuse s'est cassée et tous ses trophées champêtres sont, comme elle, tombés dans le ruisseau en pleurs. Ses vêtements se sont étalés et comme une ondine l'ont soutenu un moment pendant qu'elle chantait des bribes de vieilles chansons, comme insensible à sa propre détresse, ou comme une créature naturellement créée pour cet élément. Mais cela n'a pu durer longtemps, ses vêtements. Alourdis par ce qu'ils avaient bu, ont entraîné la pauvre malheureuse de son lit mélodieux à une mort boueuse." 

Millais choisit de montrer cet instant. A l'époque victorienne, la mort est partout. Épidémie, mortalité infantile, guerre. Mais Millais transforme l'horreur en poésie visuelle. Il fait de la noyade une scène sublime où les fleurs et l'eau transforment le corps en icône. Parce que c'est vrai, tu n'as pas pu passer à côté de ce tableau, il est magnifique. Et si tu es passé à côté de ce tableau, mais que tu as une petite accointance. Pour Animal Crossing, il est en vente chez Rounard. Dans cet extrait d'Hamlet, un détail est capital. Ophélie meurt en chantant. Sa dernière action, ce n'est pas un cri, mais c'est une mélodie. Sa mort devient une performance. Déjà, Shakespeare transforme le tragique en spectacle poétique. Ophélie est devenue une image récurrente dans la culture visuelle contemporaine. Sur Instagram, dans la mode, dans les clips, elle est partout. C'est la figure de la sad girl à esthétique, elle symbolise à la fois la victime romantique et une icône féminine réappropriée. C'est un outil critique du féminisme contemporain pour questionner la représentation des femmes passives offertes au regard masculin. Funéraire et pop se rejoignent. Ophélie est une image rituelle qui recycle la mort en esthétique. Mais comparons la pochette de The Life of a show girl et le tableau de Millais. Le tableau de Millais propose un corps inerte, un silence on peut dire éternel, Ophélie subit et elle est figée dans sa mort. Sur la pochette de Tay Tay, le corps il est mis en scène, c'est une show girl scintillante. On peut aussi voir la vulnérabilité qui est transformée ici en performance. L'écho visuel est évident. On a les bijoux, l'eau, la posture théâtrale et le visage également ouvert. Les deux images jouent sur la tension entre intimité et spectacle. Mais là où Ophélie est figée dans une mort qu'elle subit, Taylor Swift reprend la main. Elle choisit de scénariser sa vulnérabilité, de la transformer comme l'icône pop qu'elle est. Et puis, le premier titre de l'album s'appelle The Fate of Ophélia. C'est pas anodin. Tay-Tay inscrit son disque dans une filiation littéraire. Elle fait d'Ophélie une métaphore de la condition féminine, de la célébrité, du poids du regard, mais aussi un clin d'œil shakespearien assumé, puisque la dame est docteur en littérature. Comme Shakespeare faisait parler ses héroïnes, Taylor Swift réinvente leur voix en musique. La tragédie devient chanson, la noyade devient tracklist. Ophélie René dans la pop culture. Ce que je dis là, je ne l'ai pas inventé. Ce que je dis là, je l'ai cherché sur internet, j'ai fait des comparaisons, etc. Je viens ici vous donner mon avis d'après mes recherches. Mais le but ici, ce ne serait pas de transformer la mort en spectacle ? Parce que Shakespeare utilisait le théâtre pour représenter nos angoisses collectives et Taylor Swift fait de même avec ses albums. Elle transforme ses ruptures, ses pertes, ses douleurs en performances mondiales. On se souvient du dernier album. fin. De l'avant-dernier album maintenant, The Tortured Poet Department, où lors de l'Eras Tour, elle nous a fait des mises en scène totalement canons de la Rage Girl, j'ai envie de vous dire. C'était énorme. Il y a une volonté de transformer l'intime en universel. Ophélie, morte en chantant, devient une ancêtre des popstars tragiques. Mais en même temps, il y a la même logique. On veut faire de la douleur une matière poétique. Mais en même temps, il y a la même logique. On veut faire de la douleur une matière poétique, on veut transformer l'angoisse en beauté partagée. Taylor Swift veut faire de ses ruptures, de sa vie, quelque chose de poétique, de beau. En même temps, toutes ces ruptures l'ont amenée quand même là où elle est, avec une certaine somme d'argent sur son compte bancaire. Ce qu'on peut voir, c'est que du romantisme au XXIe siècle, le mécanisme reste le même. C'est rendre regardable l'insupportable. Au XIXe siècle, Millais sublime la mort par l'esthétique picturale. Et au XXIe siècle, Taylor Swift sublime la douleur par l'esthétique pop et la performance. La mort devient alors un produit culturel entre hommage et marketing. Au XIXe siècle, on sublimait la mort par la peinture, les symboles. Et aujourd'hui, on sublime la mort par les clips, sur des couvertures d'albums, sur des images médiatiques. Dans les deux cas, la mort devient regardable, comme je le disais. Elle est transformée en icône. Mais qu'est-ce qu'il advient de la mort quand elle est recyclée dans l'industrie culturelle ? C'est une bonne question, ma Micheline. Eh bien, le côté positif, c'est que cela nous aide à parler de la mort justement, sinon je ne serais pas en train de faire cet épisode de podcast, à l'intégrer dans nos récits collectifs. Par contre, le côté négatif, c'est qu'il y a un risque de glamourisation. Mais peut-être que c'est précisément ce dont nous avons besoin aujourd'hui, que la mort soit un objet culturel pour être apprivoisé. tout en gardant le contrôle sur la communication que nous en avons. 

Si Ophélie flotte encore dans nos imaginaires, c'est parce qu'elle incarne une obsession universelle. Transformer la mort en beauté. Nier la peinte, Shakespeare la fait chanter, Taylor Swift la réinvente en chansons et en pochettes d'albums. La mort inspire les artistes, et pas que Taylor Swift, je suis d'accord ma petite Micheline, mais à travers eux, c'est nous qu'elle hante. Et vous, quelle oeuvre vous a marqué dans votre rapport à la mort ? Un tableau ? Une chanson ? Une pochette d'album ? Dites-le-moi en commentaire. 

Merci d'avoir écouté Beyond the Veil. J'espère que cet épisode vous a plu et vous aura donné envie de lire ou relire Hamlet ou encore d'écouter le prochain album de Taylor Swift avec un autre regard.

Virginie Barba

Moi c'est Virginie, reine des licornes 🦄, conseillère funéraire de formation, passionnée de la mort et surtout créatrice du podcast Beyond the Veil, le podcast qui va vous réconcilier avec la mort 💀✨.

Toutes les 2 semaines, le mardi soir, on parle culture, faits de société, livres, métiers, tourisme et de toutes ces choses qui font que la mort fait partie de notre vie.

Ce podcast n’est ni une apologie de la mort, ni une tentative de la banaliser et encore moins un discours morbide. C’est un espace de réflexion et d’échange pour explorer les multiples façons dont la mort façonne nos vies et lui redonner une place dans nos conversations, sans tabou ni peur.

Beyond the Veil c'est une safe place pour parler d'un mot, d'un concept qui fait peur, en toute simplicité parce qu'en 2025 on peut parler et rire de tout, même de la mort !

https://beyondtheveil.fr
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